dimanche 20 mars 2016

L'empreinte de l'ange (Nancy Huston)

"Ch. b. à tt f. pour petit ménage, logée, sach. cuisiner." Saffie a vingt ans. Elle est allemande. À peine arrivée à Paris, elle répond à l'annonce du jeune musicien, Raphaël. Celui-là même qui lui ouvre la porte et qui reste médusé devant ces yeux de silence et cette présence-absence de la jeune femme. Amoureux, oui, déjà. Il lui propose le mariage quelques semaines plus tard. Elle accepte comme elle le fait de tout le reste : passivement. Son mutisme sec, pierreux, ne s'ébranle pas même à la naissance de leur fils. Il faut attendre LA rencontre, avec András, le luthier. Lui sait dialoguer avec le silence. En elle alors tombe la peur, comme une pluie ; se lève l'amour, comme le soleil... et fond le secret.

Honnêtement, même quelques heures après avoir terminé ma lecture, je ne sais pas trop quoi penser de ce roman. Il m’a à la fois pas mal imprégnée et laissée sur le carreau !

Saffie est une jeune allemande fraîchement arrivée sur Paris, lorsqu’elle répond à l’annonce de Raphaël Lepage et que celui-ci en tombe immédiatement amoureux, l’engageant dans la foulée. Saffie semble à la fois présente et tellement loin, absente… et c’est ce silence, cette gravité qui font chavirer le cœur du musicien. Ils vont se marier rapidement, avoir un enfant… mais Saffie n’est pas heureuse, elle se contente de survivre. Jusqu’à ce que son chemin croise celui d’András, luthier et hongrois d’origine. Là, l’amour éclate, et Saffie reprend pieds dans la vie, mais pas sans souffrances.

Il m’est difficile de faire un résumé un peu plus personnel de l’histoire que j’ai lu en cette fin de semaine. Pas parce que j’ai eu du mal à la comprendre, ni rien, au contraire ! Mais parce que j’en reste encore un peu troublée. Ce roman m’a surprise, impressionnée, et m’a un peu dégoûtée, aussi, je crois.

Dès le départ, on remarque que la plume de Nancy Huston joue sur les mots, sur les sonorités, ce qui est très agréable : elle essaie de nous imprégner d’une façon différente pour que son intrigue nous pénètre par ses bizarreries, ces tempos que l’on capte ou que l’on loupe. Il y a à la fois une musicalité étrange et une littérarité, si vous me permettez le terme, assez innovante.

C’est de cette façon qu’elle nous entraîne dans les années 50 françaises, après la Deuxième Guerre Mondiale, au milieu de ces conflits concernant l’Algérie, qui rythment la vie et semblent pourtant si loin de nos personnages. C’est ainsi que l’on rencontre Saffie, qui semble être actrice de sa propre vie. Elle agit, subit, même l’amour de Raphaël… et c’en est difficile à traverser pour nous : comment peut-elle rester si passive ? Qu’a-t-elle donc ? Elle ne peut pas faire ça, non ? Si ?

Son personnage est complexe et j’avoue avoir à la fois été un peu fascinée par elle, et surtout effrayée. J’essayais de comprendre, et lorsque la vérité apparaissait, si cela ne me choquait pas, ça ne restait pas très loin. Ce n’était pas tant son passé qui m’inquiétait, mais bien ce qu’elle faisait de son présent.

Parce que L’empreinte de l’ange, c’est ça, pour moi : l’histoire d’une femme qui va reprendre son présent en mains, pas forcément facilement, mais avec amour… sans imaginer une seule seconde que ses actes pourraient avoir des conséquences. Ben oui ! Comment ça, elle va à ses rendez-vous avec son amant, son fils dans le landau, puis dans la poussette ? Comment ça, Emil (son fils, donc), va finir par appeler András « Apu », ce qui signifie Papa en hongrois ? Comment ça, cette liaison va durer plusieurs années ? Hein ? Mais c’est horrible !

Et pourtant… et pourtant, cette histoire n’accuse personne. Elle franchit les murs de n’importe quelle barrière, expliquant par le contexte de l’époque quelles sont les tensions qui peuvent agiter les membres de certaines communautés, pousser à la révolution, ou… alors enclencher une certaine passivité. Après lecture de ce roman, je ne peux accuser aucun personnage, et pourtant, je suis loin de les avoir cautionnés. J’ai imaginé au travers des lignes de Nancy Huston ce qui se passait en eux, et même si parfois, c’était trop pour moi… je comprends, quelque part.

La fin m’a profondément ébranlée parce qu’elle survient sur un dénouement inattendu, choquant et injuste. Il est douloureux, alors que la plume de Nancy Huston glisse sur un ton presque doux pour nous transmettre toute la puissance des actes, de ce qui survient. C’est là que j’ai été véritablement dégoûtée, en fait. En apprenant certaines choses sur la guerre d’Algérie, sur les mouvements de l’époque, sans parler le comportement des deux amants, là… je trouvais ça déjà parfois difficile. Mais là… ça m’a coupé le sifflet !

Vous êtes sûrement en train de vous dire que franchement, cette lecture, vous allez vous faire un plaisir de l’ignorer, si vous ne l’avez pas encore lue. Je peux comprendre, sincèrement ! Pourtant, c’est un roman qui vaut le coup pour cette musicalité et cette plume que j’ai évoquées plus haut, sans compter l’intrigue qui vous prend un peu au piège. Je regrette juste de m’être sentie un peu à côté parfois, parce que j’avais envie de savoir comment ça allait se terminer. Je dirais juste qu’entre ces pages se cache beaucoup d’humanité (dans ses bons et ses mauvais côtés), de violence, de réalisme, d’amour (même physique et j’avoue que je m’en serais passée) et de musicalité. C’est un mélange de beaucoup, beaucoup de choses.

En fin de compte, L’empreinte de l’ange est un roman particulier que je n’aurais jamais lu si on ne me l’avait pas prêté. Il m’aura pas mal perturbée, surtout au niveau de l’intrigue et des éléments que j’aurais appris sur notre histoire. La fin m’aura ébranlée par sa soudaineté ainsi que son caractère tranchant, injuste. Cela étant, j’ai pu constater que Nancy Huston avait une plume de talent, sachant faire passer une multitude d’éléments entre ses lignes, ses mots, et en ceci, c’était une très bonne découverte.
Ce sera donc un 14/20 pour moi !

1 commentaire:

  1. Et bien, en voilà un mitigé.. Je te comprend tout à fait en tout cas, je crois que j'aurais eu le même ressenti si je l'avais lu ^^ ...

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