Éda et Théo avaient
tout pour être heureux. Des gamins comme les autres, qui jouaient à se faire
peur en se racontant des histoires au pied du grand châtaignier. Un jour
pourtant, Éda disparaît sans laisser de traces. Et tout le monde oublia
l’arbre, Éda et ses rêves étranges. Tous, sauf Théo… Commence alors pour lui
l’expérience du doute, l’adolescence puis l’âge adulte. Mais de l’autre côté des
mondes, prisonnière de la cellule 222 du Centre de tests génétiques de
l’Empire, Éda vit encore et lutte, chaque matin, pour un fol espoir : retrouver
Théo et lui confier sa dernière histoire, celle de sa survie… Salomé Vienne
nous entraîne aux confins des mondes, là où l’impossible et le merveilleux se
rencontrent pour forger un récit hypnotique.
Parlons donc un peu ! Me voici de retour pour une
chronique sur un livre qui a été celui des surprises. Et des bonnes !
Le matin en avait
décidé autrement est un roman qui nous plonge dans un univers auquel on ne
s’attend pas. Théodore et Éda sont amis, et partagent de nombreux rêves, comme
les deux enfants qu’ils sont… voire même un peu plus loin. Parce qu’Éda est
plus qu’elle n’en a conscience, et il se pourrait bien que le duo franchisse
des frontières jamais imaginées. Des mondes impensables… auxquels il faudra
pourtant bien songer, jusqu’à s’y plonger.
Je sais que ce résumé est étrange, en même temps, je vais
avoir véritablement du mal à faire mieux concernant ce bouquin. Pourquoi ?
Parce qu’il raconte une grande histoire avec une immense richesse et sur une
trame qui prend son sens tardivement. Et comme je n’ai pas envie de vous gâcher
le plaisir de la découverte, je vous laisse mariner dans votre incertitude,
dans vos questions, et je poursuis sur ma lancée !
Dès le départ du roman, on rencontre une plume innovante,
qui nous prend tout de suite à partie et dans laquelle on essaie aussi
immédiatement de comprendre où nous avons atterri. C’est plein de poésie, de
rêves inachevés, d’une douceur à laquelle nous ne sommes pas tout à fait
habitués. Salomé Vienne nous donne rapidement le ton, puisqu’elle va en plus s’amuser
à jouer sur les registres pour nous présenter des univers, des scènes qui n’ont
rien de contes de fées.
Au départ, tout paraît normal, amusant, comme des
réminiscences d’un passé un peu flou mais qui a compté. Et puis, tout bascule,
jusqu’à la narration qui devient plus hachée, plus décomposée. Il est alors
plus difficile de comprendre, mais le lecteur est pris dans l’histoire, et il
veut savoir ça a été mon cas.
Éda est partie dans un monde particulier, un univers gris et
violent. La violence est latente, l’humiliation constante, et pourtant, c’est
là que tout va se déployer après des années, une fois que le puzzle aura été
reconstitué et que notre duo de départ aura pu être rassemblé. Et pourtant, le
lecteur va très vite comprendre qu’il ne s’agit pas seulement de deux mondes,
mais d’une infinité de possibles dont seulement quelques-uns sont présentés, de
façon parfois poétique, comme les contes que nous avions étant enfants, et d’autres
de façon beaucoup plus crue, ce qui a de quoi désarçonner.
En vous écrivant, là, j’ai un peu peur de partir dans tous
les sens, en même temps, si j’ai suivi de façon linéaire le roman pour le lire,
il m’a un peu explosée en plusieurs partie, alors que le rythme variait,
toujours en me laissant imprégnée de l’histoire, même quand je n’avais pas le
livre sous les yeux. L’impression est curieuse, à dire vrai. Il y a un
véritable travail stylistique qui a été effectué, en plus de celui de l’imaginaire
qui a de quoi dérouter et fasciner.
Parce que oui, Le
matin en avait décidé autrement, c’est la confrontation aussi du réel et de
l’irréel, de l’imaginaire en puissance. C’est aussi pour ça que Théo et Éda
sont si fascinants. Ils nous embarquent loin, dans des contrées ayant leurs
propres mœurs, leurs propres dérives et leurs propres règles, qui nous font
incroyablement réfléchir sur nos sociétés actuelles. L’histoire de Lou m’a
tellement frappée, d’ailleurs. Elle était crue, elle m’a beaucoup travaillée et
je pense qu’elle me travaille encore, parce qu’elle n’est pas très éloignée d’une
réalité que nous vivons. C’est assez choquant, en fait !
Salomé Vienne parvient donc à jouer sur plusieurs tableaux :
d’abord avec ses deux personnages qui n’évoluent pas dans les mêmes
endroits/réalités temporelles, bref, voilà, ensuite parce qu’elle nous livre
des citations, des récits qui ont trait à l’histoire mais ne prennent sens que
vers la fin du roman, et enfin parce qu’elle nous offre aussi les points de vue
de personnages clefs d’autres univers pour comprendre la trame globale sous un
autre angle. Quand je vous dis qu’elle nous éparpille pour mieux nous
rassembler… c’est un peu cette impression. Tout finit par s’assembler et s’imbriquer
de façon intelligente, mais doucement.
Concernant les personnages, ils sont tous les deux très
agréables à suivre, même s’il y a des moments où clairement, on aimerait ne pas
savoir, ne pas être là. Théo n’est pas toujours un exemple, Éda ne vit absolument
pas dans le monde des Bisounours, mais pourtant, ils possèdent chacun une force
d’esprit, une force de cœur qui les rend beaux, et qui nous donne envie de les
suivre. Ils sont uniques, plein de fêlures et de doutes, et ensemble toutefois
plus forts, merveilleux. Chaque personnage rencontré possède ses spécificités,
et j’avoue avoir aussi beaucoup aimé Marnie.
Que dire de plus ? Je crois que j’ai fait le tour de
mes impressions.
En conclusion, Le
matin en avait décidé autrement nous ouvre les portes de plusieurs
surprises bien agréables et innovantes. Salomé Vienne nous propose un récit à
la narration multiple, faisant parler plusieurs personnages et offrant
plusieurs vues, plusieurs histoires qui permettent de comprendre la trame
principale, mais sur la fin. Les personnages sont uniques, faits de fêlures et
de forces, et le duo Théo/Éda a tout pour plaire au lecteur, qui se laissera
vite embarquer dans leur histoire, sans pour autant tout saisir immédiatement. L’imaginaire
est assez grandiose, la fresque ressemble à celle d’un puzzle qu’il faut
reconstituer et duquel il est difficile de se détacher, avec un rythme assez
rapide et des airs de poésie, sur certains passages. En bref, ce roman est
bourré de qualités et il saura vous émerveiller, vous questionner et surtout,
il saura sans conteste vous marquer !
Ce sera donc un 17/20
pour moi et je remercie chaleureusement les éditions Mnémos !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire