Aurore est une
styliste reconnue et Ludovic un agriculteur reconverti dans le recouvrement de
dettes. Ils n'ont rien en commun si ce n'est un curieux problème : des corbeaux
ont élu domicile dans la cour de leur immeuble parisien. Elle en a une peur
bleue, alors que son inflammable voisin saurait, lui, comment s'en débarrasser.
Pour cette jeune femme, qui tout à la fois l'intimide et le rebute, il va les
tuer. Ce premier pas les conduira sur un chemin périlleux qui, de la complicité
à l'égarement amoureux, les éloignera peu à peu de leur raisonnable quotidien. Dans
ce grand roman de l'amour et du désordre, Serge Joncour porte loin son regard :
en faisant entrer en collision le monde contemporain et l'univers intime, il
met en scène nos aspirations contraires, la ville et la campagne, la solidarité
et l'égoïsme, dans un contexte de dérèglement général de la société où,
finalement, aimer semble être la dernière façon de résister.
J’ai pu lire ce roman assez surprenant grâce à la Masse
Critique de Babelio, que je remercie grandement !
Repose-toi sur moi
est l’histoire d’Aurore, qui se retrouve dans une situation compliquée avec sa
maison de haute couture, que son associé est en train de foutre en l’air, et de
Ludovic, ancien agriculteur qui désormais fait du recouvrement de dettes chez
le particulier. Tous deux n’ont fait que se croiser dans la cour cerclée par
leurs immeubles, jusqu’au jour où Aurore n’a plus pu supporter les corbeaux
nichés en ces lieux. Totalement effrayée par ces volatiles, c’est Ludovic qui
va l’en débarrasser. Aucun des deux ne peut imaginer le rapprochement qui va
ensuite s’effectuer…
Je vous l’accorde : quand on lit un résumé comme ça, on
se dit que vraiment, ils n’ont rien en commun et même avec le coup des
corbeaux, ça va être chaud de les unir. Mon impression a été celle de l’incongru,
lorsque le rapprochement se fait. J’avais envie de demander comment l’auteur
pouvait réellement les mettre ensemble et surtout… comme ça ! Parce que ce
qu’on ne dit pas, c’est qu’Aurore est mariée, notamment.
Tout de suite, le roman prend une dose de réflexion qui va
nous suivre tout au long du bouquin. Cette relation va quand même la
questionner sérieusement : peut-elle abandonner son mariage ? Ses
enfants ? Que sont-ils en train de faire ? Tout ça avec un micmac de
sentiments, d’attirance confuse mais bien présente…
Quand on a été vraiment dans cet amour naissant, dans ce
lien auquel ils ne comprennent rien mais dont ils veulent profiter, j’ai trouvé
la lecture plaisante. Serge Joncour a en plus de cela une plume très
intéressante, très douce et poétique, avec peu de dialogues qui claquent ou
rompent avec son rythme, lorsqu’il laisse ses personnages parler. Ça crée une
ambiance feutrée, une histoire à la fois réaliste et dans laquelle on entre en
enlevant les chaussures, discrètement.
L’auteur nous présente, en plus de cette histoire d’amour
qui va prendre un tournant particulier et assez inattendu, des contextes
professionnels totalement différents mais bien renseignés. Je n’avais encore
jamais lu de propos sur le recouvrement de dettes, ni de la réalité que cela
peut recouvrir. Serge Joncour en a dressé un tableau assez saisissant et qui
sonne juste. Difficile, mais juste. On voit que tout ne tient pas de l’évidence,
clairement. Quant à Aurore, on explore le monde de la mode, mais le monde de la
gestion de la mode et celle du marketing. Un vrai monde de loups !
Ce qui m’amène à parler des personnages. Sincèrement, j’ai
trouvé que la psychologie et les caractères de chacun sont très bien
construits. C’est assez fascinant et surtout très réaliste, même si, comme je l’ai
dit, certains moments paraissent incongrus. Quelque part, vu ce qui pèse sur
Ludovic et Aurore, ces « coups de folie », si on peut les nommer
ainsi, semblent parfaitement justifiés, même si pour nous, avec du recul, ça
paraît moins évident. En plus de cela, nos deux amants font quand même face à
de parfaits… de parfaits saligauds, excusez-moi du peu.
J’ai quand même apprécié les caractères des deux héros,
puissants mais tellement fragiles. Parce que oui, Serge Joncour joue sur la
perception de chacun d’eux, la force, la faiblesse, mais il s’amuse aussi et
surtout à les faire tournoyer, à jongler entre eux pour que le lecteur lui-même
réestime régulièrement les protagonistes.
Toute l’intrigue nous fait peser les différents points avec
plus ou moins de densité, et nous évoluons vraiment dans nos ressentis au fil
des pages. On apprécie la romance, mais on éprouve cette sourde culpabilité
quand même. Et quand tout commence à partir en miettes, nous aussi, nous nous
délitons dans nos sentiments, on ne sait plus quoi penser, on suit le truc et
comme c’est toujours si fluide, on se laisse porter. Comment s’en sortir ?
Le compromis de fin de roman satisfait une partie de mon cœur de lectrice, et pourtant
me questionne par rapport à beaucoup de choses, notamment au niveau des valeurs.
On finit sur quelque chose d’ouvert, qui nous laisse tout loisir d’imaginer ce
que sera l’avenir pour Ludovic et Aurore. Elle ne m’aura pas frustrée, en tout
cas, loin de là !
En revanche, comme d’habitude, j’ai encore ma remarque sur
les scènes de sexe. Je trouve qu’il y avait beaucoup trop de détails, mais
quelque part, la narration ajoutait un plus à ces passages parfois un peu
gênants pour moi. Je n’ai pas tout lu, mais je ne doute nullement que Serge
Joncour ait là aussi joué sur les ressentis des personnages.
Concernant les valeurs, évidemment, j’ai été questionnée par
cette relation adultère. Pour autant, je n’ai pas jugé les personnages, j’ai
simplement évolué dans cette histoire avec eux au point de m’attacher, même si
je réprouvais les choix d’Aurore ou de Ludovic. Tout est présenté avec
simplicité par l’auteur, en plus, donc même si nous on laisse couler (comme
tout histoire qui se respecte, sauf si on décide d’avorter sa lecture), on ne
peut s’empêcher de se poser des questions. C’est ça que je comprends quand je
lis dans le résumé que le roman inclut beaucoup de contradictions. C’est vrai,
d’ailleurs, l’auteur dépeint très bien le cœur humain, mais arrive aussi à nous
toucher pour que nous fassions le tour aussi !
En conclusion, Repose-toi
sur moi est un roman à la fois touchant mais qui peut aussi mettre mal à l’aise
parce qu’il questionne. Cela n’empêche pas qu’on puisse s’attacher à Aurore et
Ludovic, qui forment un duo assez particulier dans une histoire à laquelle on
se laisse prendre. La plume très douce et très fluide et Serge Joncour dépeint
une intrigue aux tournants inattendus et aux cœurs humains très réalistes et
plein de ressentis contradictoires. De quoi apprécier une histoire d’amour pas
comme les autres, avec un contexte professionnel assez rare et surtout bien
renseigné, sous un autre angle !
Ce sera donc un 17/20
pour moi !
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