mardi 6 septembre 2016

Jamais d'autre que toi (Emmanuelle Grumbach)

L'action s'étend sur une dizaine d'années, de 1942 à 1953. Deux enfants d'un même village (Emma et Maximilien), apprennent à s'aimer, grandissent, font des projets d'avenir, le tout en cachette, afin de ne pas froisser leurs familles respectives. Un obstacle majeur se dresse sur leur route : Romain, le frère de Maximilien, qui nourrit envers ce dernier une haine féroce dont le fondement ne sera dévoilé qu'à la fin de l'histoire.

Voici enfin la chronique d’un livre qui m’a tenue éveillée, qui m’a fait réfléchir et qui n’a plus voulu me lâcher l’esprit du début à la fin !

Jamais d’autre que toi nous présente l’histoire de Maximilien et Emma, issus d’un même village et vivant des situations familiales compliquées, qui vont tomber amoureux. Leur amour, intense, ne trouve qu’un seul obstacle : le frère de Maximilien, Romain, qui voue à son frère une haine inexplicable mais si intense qu’il est bien décidé à lui retirer tout bonheur. C’est la raison pour laquelle il va profiter de l’absence de son frère pour manipuler l’opinion publique ainsi que celle de son entourage afin de faire sienne Emma, malgré toutes les protestations et les virulences de celle-ci pour s’y opposer. L’amour qui unit les deux jeunes survivra-t-il à toutes ces épreuves ? Auront-ils droit à un peu de bonheur ?

Il va m’être difficile de vous décrire à quel point ce livre m’a embarquée. Dès le départ du roman, j’ai plongé auprès de personnages charismatiques qui possèdent pourtant un quotidien qui n’a rien d’évident. Très vite, d’ailleurs, j’ai été prise aux tripes, j’ai ressenti une foule de choses dont l’impuissance et la colère, avec un soupçon de désespoir. Parfois, il m’a été compliqué de continuer, tant les émotions étaient fortes. J’étais mal, mais que j’étais mal !

J’étais mal, oui, et en même temps, j’espérais. En bonne lectrice que je suis, j’ai prié pour qu’il y ait une amélioration, et heureusement qu’il y en a eu une, parce que quand ça se gâte après 200 pages sur 600, il faut s’accrocher ! Mais je l’ai fait, sans me poser de questions, en souffrant avec Emma, avec Maximilien, en me désolant de cette situation que Romain arrivait si bien à tourner et retourner… et je suis arrivée à des passages beaux, magiques même si on attend le dénouement avec autant d’espoir que d’angoisse.

Il faut avouer que le contexte a été très bien planté : les mœurs de l’époque, la description des personnages secondaires, même les lieux m’ont paru réels. Je m’y serais cru et véritablement, j’étais plongée dans cette histoire si peu commune dans laquelle on rêve de bonheur perdu et on espère si fort que ça ne soit pas inéluctable !

La force de ce roman, c’est d’avoir réussi à créer des personnages forts auxquels on peut difficilement rester indifférents. D’ailleurs, on ne peut pas rester indifférents. Le sort qui est réservé à Emma est si terrible, si… pff, ça me serre encore l’estomac de m’en souvenir. Romain est cruel et je vous laisse imaginer le traitement qu’il réserve à sa femme. Et la passivité de l’entourage, du village m’a rendu limite malade et folle ! Emmanuelle Grumbach est ce qu’on appelle une auteur véritablement sadique, qui n’épargne aucunement ses personnages ainsi que son lecteur au passage. Pour autant, les sentiments qu’elle exacerbe sont puissants, si puissants que le roman en devient addictif : on ne peut pas croire que cela finisse si mal. Alors on s’accroche. Et j’ai envie de dire heureusement ! Parce que la fin en vaut la peine !

En dehors de ceci, on trouve beaucoup de questions existentielles : il est évident que l’on se demande ce que l’on ferait à la place d’Emma. Sans cesse, j’ai constaté sa force, sous couvert d’une faiblesse et d’une soumission qu’elle présentait au monde. Bon sang, que je l’ai admirée ! Maximilien, lui, est très touchant, même s’il sombre et que ça fait mal, que c’est très troublant de le voir s’oublier ainsi. Les deux m’ont beaucoup perturbée par le tragique de leur situation. Romain aussi m’a perturbée par son manque d’humanité et sa fourberie, ouuuh !

L’auteur dénonce aussi la violence qui est faite aux femmes, le peu de poids qui peut leur être accordé au vu de la toute-puissance qui était réservée aux hommes. Malgré tout, elle réussit à insuffler une force de caractère peu commune et une résistance à la douleur dans laquelle on ne peut s’empêcher d’éprouver de la fierté malgré l’épouvante que suscite la situation. En plus de cela, il y a, ainsi que je l’ai indiqué plus haut, une grosse part qui est offerte à l’importance de l’opinion publique. Emma souffre beaucoup des commérages, de l’avis tranché des gens et quand elle se rebelle enfin dans les derniers temps, c’est autant un soulagement qu’une sorte de malaise parce qu’on ne pourra jamais revenir en arrière ni rétablir la justice.

Enfin bref, je ne sais plus par quel bout tenir cette chronique, peut-être en abordant la plume, juste superbe puisque sinon, je n’aurais pas à ce point ressenti avec puissance les émotions et contemplé avec compassion cette histoire unique ! La seule chose qui m’a au départ perturbée est l’incursion des pensées de la mère de Maximilien et Romain. Ça tranchait beaucoup avec le reste du récit, et puis je me suis aperçue que cela collait très bien au personnage.

D’ailleurs, chacun des héros de ce roman est unique et possède des traits de caractère totalement réalistes. J’ai beaucoup parlé d’Emma, mais Maximilien ressemble à un diamant : brut et dur, avec une brillance, un côté artistique incroyable et sa tendresse à l’égard d’Emma m’a juste fait fondre. J’ai carrément rêvé, oui ! Romain m’a… comment vous dire. Il représente vraiment le vicieux, le méchant de l’histoire, et je vous laisse imaginer l’antipathie qu’il a éveillée en moi. J’étais aussi choquée et parfois angoissée de voir ce qu’il tramait ! Quant aux parents d’Emma, ils m’ont découragée. Il n’y a que le frère aîné de la jeune femme qui a trouvé grâce à mes yeux, et ça n’a pas été tout de suite ! Sa grande sœur, en revanche, aurait bien mérité une ou deux paires de gifles… Concernant les parents de Maximilien, franchement, Thérèse est insupportable et Gaston, lui, offre un peu de lumière au quotidien parce que ce n’était pas évident !

En conclusion (après cette très longue chronique, pardon), je dirai que Jamais d’autre que toi est un excellent roman qui doit bien équivaloir un petit coup de cœur, vu toutes les émotions qu’il m’a procurées. Il y a des moments crus, très difficiles à vivre, mais pour mieux laisser éclore la douceur et le bonheur sur la fin. Emmanuelle Grumbach sait parfaitement emporter son lecteur pour ne lui laisser aucune seconde de répit : je ne voulais plus lâcher le roman ! C’est beau, c’est extrêmement douloureux mais aussi réaliste : on s’y croit, et faire face à tous ces personnages… Romain est effrayant, Emma et Maximilien (aaaaah, Maximilien !) sont exceptionnels ensemble.
Ce sera donc un 19,5/20 pour moi (le 0,5 est pour les scènes un peu trop crues à mon goût, bien que cela ne m’ait pas gênée à outrance) et un petit coup de cœur pour cette romance historique à couper le souffle !

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