Quand le Vieux accepte
d'assurer la garde de son petit-fils Malo durant tout le mois d'août, ce n'est
pas de gaieté de cœur. Il faut dire qu'entre le misanthrope solitaire et
l'enfant de six ans, il n'y a pas seulement un fossé de sept décennies, il y a
un gouffre, des siècles, un univers entier. Et pourtant... magie d'un lieu hors
du temps, atavisme croisé, miroir des cœurs ? Ces deux-là vont s'apprivoiser,
mais aussi se reconnaître l'un dans l'autre, dans une tendresse réciproque et
un caractère affirmé qui fait fi des années. Grinçant, voire drôlement
caustique quand il se place du point de vue du Vieux, émouvant et touchant
quand il est vécu à hauteur d'enfant, ce roman aborde moins le conflit des
générations que celui des époques : à quelle a une juger le monde où nous
vivons ? Celle de l'histoire ou celle de notre histoire ?
Quand je suis tombée sur ce roman à la kermesse de ma
paroisse, la couverture m’a beaucoup émue. Quand j’ai vu qu’il s’agissait d’un
vieux, avec son petit-fils, j’ai craqué. Je ne pouvais pas passer à côté de ce bouquin !
Le réveil du cœur traite
de l’histoire du Vieux qui a toujours la même rengaine : le monde part en
vrille, les humains ne savent plus s’en occuper, tout fout le camp… ce pépé aux
idées très affirmées ne mâche ni ses mots, ni sa pensée. Seulement, voilà un
été où il accepte de recevoir dans sa bicoque Malo, son unique petit-fils, qu’il
voit si peu. Au contact l’un de l’autre, les deux loustics vont apprendre
énormément… l’un à voir le monde actuel sous un autre jour, l’autre avec le
regard des anciens, pour en prendre soin.
J’ai été surprise au début du roman de voir que la parole
était donnée au fils du Vieux : Jean. Malgré ses grandes réflexions, on s’aperçoit
très vite qu’il se coule dans le moule et essaie souvent de se justifier. C’est
ainsi qu’on rencontre le père, héros de cette histoire, qui lui a toujours le
mot pour contrer… il représente la franchise incarnée et c’est vrai, une époque
révolue aussi !
Le bouquin débute avant même que Malo ne naisse. On comprend
tout le contexte, toutes les difficultés qui entourent Jean, et qui vont amener
la situation dans laquelle on va retrouver Malo et le Vieux pour cet été si
spécial. Parce qu’à la vérité, le Vieux ne peut plus voir Malo à cause de la
mère de l’enfant, qui considère le grand-père comme un vieux réac. Pas évident,
même s’il est vrai que le Vieux n’y va pas avec le dos de la cuillère !
Si j’ai un regret concernant ce livre ? Peut-être que j’aurais
voulu trouver quelque chose de plus sentimental, parce qu’il y avait beaucoup
de réflexions sur l’écologie, sur le temps qui passe et sur ce que sera le
monde de demain. En même temps, François d’Épenoux a réussi à mêler le tout
pour en faire une rencontre entre deux époques, deux cultures différentes
issues pourtant d’une même famille, d’un même pays. Le choc est parfois rude
mais aussi très tendre, très doux. C’est un grand-père qui apprend la vie à son
petit-fils et qui voit le temps défiler…
À côté de cela, je vous dis que ça manque peut-être de
sentimentalisme, sauf que c’est présent autrement. Dans la relation qui se
noue, dans les émotions traduites, dans les questions posées… l’auteur a eu
beaucoup de façons de nous faire partager la complicité inédite qui lie Malo
avec le Vieux. Leurs peines, leurs espoirs… tout concoure pour nous toucher en
plein cœur sur la fin, en ayant chopé au passage une nostalgie des temps
anciens.
Non, mais c’est vrai ! Auprès de ces deux loustics, j’ai
voyagé dans le temps. J’ai imaginé comment avaient été les vacances auparavant,
les plaisirs simples de la vie (du chocolat dans de la baguette, bon sang de
bois !), la saveur du présent sans qu’on entende parler de désastre
économique ou écologique… ça m’a fait rêver, même si j’ai réalisé que ce n’était
pas tous les jours facile. Ce roman nous invite à la tendresse et à la
complicité en nous offrant de véritables questions de société, sur notre mode
de consommation, de pensée, de fonctionnement. Au travers de cet enfant qui
reste insouciant et de cet homme qui en a déjà tant vu, nous confrontons nos
propres idées. J’aime beaucoup les romans tels que celui-ci !
En plus de cela, les personnages sont attachants. Jean m’a
un peu agacée, même s’il s’améliore sur la fin, en devenant (ou en essayant de
devenir) un père plus présent et attentif pour Malo. La mère ? N’en
parlons pas, elle m’a vraiment agacée. Ses rires en face du Vieux m’ont donnée
envie de lui répondre sèchement, de la virer du roman ! Le fait que l’on
puisse suivre les pensées du Vieux nous permet de mieux le comprendre, et il
est difficile de ne pas s’attacher à lui et à son caractère fort, entier. On saisit
mieux ses réactions, et souvent, on se prend à les approuver. Et enfin, Malo…
petit bonhomme insouciant qui grandit pendant un été et qui, dans son
insouciance, pourra même blesser le Vieux.
François d’Épenoux a vraiment dressé une fresque réaliste et
touchante dans ce roman, avec une plume juste et assez aérienne, autant que les
courants marins qu’on a l’impression de ressentir en allant à la place avec le
Vieux et Malo ! La fin de l’ouvrage, bien que sobre sur certains points, n’en
reste pas moins percutante… même si elle suit un cours logique.
En conclusion, Le
réveil du cœur est une belle réussite pour moi. Il parle d’une superbe
relation entre le Vieux et Malo, un grand-père et son petit-fils, une relation
qui se construit et se fait d’échanges. La vieille génération et la nouvelle,
et cette rencontre nous fait réfléchir sur bien des points, mettant en valeur
des principes que nous avons tendance à oublier. Prise de conscience, remise en
question… auprès d’une histoire touchante à la plume aérienne avec des
personnages réalistes, il sera difficile au lecteur de rester indifférent,
surtout dans les dernières pages !
Ce sera donc un 17/20 pour moi et je vous le recommande !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire