samedi 24 décembre 2016

Les Chroniques Écarlates, entre chien et loup (Fabrice Pittet)

Ici vous attendent six mini-romans (récits courts et musclés) issus du monde de l'Étoile, aux terres rougies des batailles.
Découvrez un univers de fantasy guerrière et bigarrée où se côtoient la lumière des sentiments héroïques et la peur de verser son sang sur l'autel sombre du sacrifice.
Suivez l'aventure humaine de braves au carrefour de l'extraordinaire. Vibrez avec un archer mercenaire dans la Gloire Écarlate (2è meilleure vente Kindle en 2014). Plongez dans l'histoire d'un être amphibie avec Par-delà les Ondes.
Vivez dans la peau du chef d'une bande de coupe-jarrets avec les Corbeaux de Merreng. Fuyez avec le très recherché fils d'un traitre à la nation et meurtrier d'un prince avec Dans son Ombre. Incarnez un ivrogne vengeur dans Vous Mourrez Tous ! Enfin, survivez cinq jours auprès d'une poignée de rescapés au rythme d'une horreur équipe dont personne (surtout le lecteur) ne revient indemne dans Le Dernier Bastion (nommé pour le Prix du récit fantasy 2017).

Well ! On dirait que j’ai peu de motivation à taper mes chroniques, ces derniers temps, mais je vais me rattraper avec cet avis sur un bouquin très riche !

Les Chroniques Écarlates est un livre rassemblant six mini-romans qui se déroulent tous dans le même univers de fantasy. Un monde sombre, bercé par les mêmes valeurs que les nôtres, aux codes parfois différents, et aux destins qui se croisent et s’entremêlent. De l’être amphibie différent des siens au vieillard qui tente de se racheter une conduite, le lecteur voyage dans des histoires qui ne font pas de quartier !

Si vous suivez le blog depuis un moment, vous vous souvenez peut-être que j’avais déjà lu et chroniqué en détail La Gloire Écarlate ainsi que Par-delà les Ondes. J’avais beaucoup apprécié. Entre le style d’écriture très affirmé et détaillé de Fabrice Pittet, et ses histoires aux intrigues poussées et prenantes, j’avais été agréablement surprise. J’ai donc relu avec joie les deux premières histoires, avant de me laisser transporter dans les quatre suivantes.

Force m’est d’avouer que j’ai ressenti une tonne d’émotions. Je me suis attachée à plusieurs, selon ce qu’ils faisaient, comme Dans son ombre, qui parle d’un homme qui va s’attacher à une femme et essayer de la protéger, elle et sa fille. Fleur bleue un jour, fleur bleue toujours ! Pour autant, j’ai aussi apprécié le vieillard dans Vous mourrez tous !, qui pourtant n’était pas un modèle de vertu mais cherchait à se racheter après une vie difficile.

J’ai retrouvé la richesse de l’univers de cet auteur genevois, que nous entrapercevions dans les deux histoires que j’avais lues avant le recueil. Je suis toujours aussi admirative de ce qu’il a réussi à construire et de l’imaginaire qu’il a mis en place, sans compter les trajets de vie qu’il a composés dans ce contexte. On s’y croirait vraiment ! Ce n’est pas très long, sauf que le moment est choisi, et le lecteur ne ressent pas de frustration quand il quitte les héros.

Parce que oui, je pense qu’on peut parler de héros. Tous n’ont pas des valeurs exemplaires comme leitmotiv pour avancer, on ne peut toutefois leur retirer le fait qu’ils avancent en se basant sur leurs principes. Ils croient, et ceci leur permet de poursuivre leur existence, ou d’y donner sens. Dans les Corbeaux de Merreng, clairement, le principal bandit n’est pas un exemple à suivre. Pourtant, son mode de vie et de pensée nous pousse à réfléchir sur la subjectivité de chacun, sur nos notions du Bien et du Mal dans nos propres sociétés. Chaque protagoniste a sa pierre à apporter.

Je pense qu’avec ces dernières lignes, vous pouvez entrapercevoir quelque chose de fondamental pour moi dans ce bouquin : chaque mini-roman nous parle de la société actuelle. Chacun peut nous faire réfléchir sur des problèmes d’actualité assez brûlants, parfois. Il y a la déficience, ou ce qui est considéré comme tel, il y a la déviance (ne pas suivre le chemin demandé ou espéré, ne pas être à la hauteur des attentes, notamment), la résistance au prix de sa vie, l’horreur de la guerre… l’univers de Fabrice Pittet est pour ceci d’une violence parfois déroutante qui ne va pourtant pas sans rappeler des choses que nous connaissons dans nos guerres.

Nous abordons là un point qui m’a un peu gênée, sans que je puisse en faire de reproche à l’auteur : la violence. La profusion de détails sur les créatures horrifiques m’a forcée à sauter quelques lignes (c’était tellement bien décrit que je voyais la bestiole alors que je m’en serais bien passée), et les détails guerriers dans les combats ont certes ajouté au suspens des scènes, mais parfois, j’avais du mal à déglutir. C’est en cela que je dis que l’auteur ne fait pas de quartier. La chose sensible que je suis a eu un peu plus de mal.

J’ai eu aussi un peu de mal avec l’imaginaire un peu trop effrayant parfois (si je vous parle de Sorcier des Charognes, tremblez, pauvres de vous !), bien que je reste admirative de tout ce que Fabrice Pittet a su mobiliser comme connaissances et inventivité pour composer tout ceci. L’univers en soi possède de nombreux ponts entre les histoires qui me fascinent, vraiment ! C’est hyper amusant de faire des liens entre les historiettes et d’avoir envie de pousser des exclamations surprises en réalisant quelque chose.

Cela me pousse à déclarer aussi qu’on sent qu’il y a un vrai travail de structure et de précision dans ces mini-romans. Même dans la plume, il y a du boulot, rien n’est laissé au hasard. Du coup, le lecteur se sent maintenu tout au long du bouquin. S’il ressent de l’incertitude, c’est pour les personnages, parce qu’il partage ce qu’ils vivent. L’empathie est présente, même quand les protagonistes ne sont pas des « gentils ». Personne n’est tout blanc ou tout noir, c’est à nous de nous faire notre propre avis.

Au niveau des valeurs, comme je l’ai précisé, il y a pas mal de trucs à en tirer. La miséricorde est abordée, le refus de la fatalité aussi, le dépassement de soi et de ses craintes, surtout… on apprend aussi à changer son point de vue et à se mettre dans le regard de l’autre. La fidélité est une notion importante, le renouveau aussi et le combat pour la justice peut se retrouver. Je crois que chaque personnage nous montre que pour vivre… il faut donner un sens à son existence, une raison de continuer. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, c’est ce qui nous maintient et nous permet de trouver la paix au final.

En conclusion, même si j’ai été un peu malmenée émotionnellement par une violence et un univers horrifique parfois trop détaillés pour moi (surtout dans Le Dernier Bastion, qui parle pourtant de beaux sacrifices), Les Chroniques Écarlates nous embarquent dans des histoires prenantes et très riches. Riches par l’imaginaire, par les intrigues qui se nouent et se recroisent au fil du bouquin, et par les personnages qui ne manquent pas de nous faire réfléchir sur des points d’actualité aussi. C’est un ouvrage qui mérite qu’on s’y attarde, mais attention aux âmes sensibles comme la mienne !
Ce sera donc un 18/20 pour moi ! Bravo Fabrice, et merci !

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