mardi 28 février 2017

L'élégance du hérisson (Muriel Barbery)

"Je m'appelle Renée, j'ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois.
Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j'ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l'image que l'on se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.

Je m'appelle Paloma, j'ai douze ans, j'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches.
Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai."

J’avais entendu beaucoup de bien à propos de ce roman, et lorsque j’ai pu le repêcher pour lui éviter un passage dans une déchetterie, je n’ai pas franchement hésité !

L’élégance du hérisson parle de Renée, une concierge qui est beaucoup plus qu’elle ne le paraît en réalité : elle est incroyablement cultivée, mais fait tout pour le cacher. Paloma, elle, est une jeune fille qui passe son temps à cacher son intelligence, et qui se désole du monde qui l’entoure. Elle a donc décidé de se suicider pour ses 13 ans.
Et ces deux êtres incroyables habitent le même immeuble… parviendront-elles à se rencontrer ?

Il est vrai qu’il est parfois difficile de ne pas se laisser influencer par les commentaires que l’on peut avoir sur un livre. J’avoue aussi que j’en avais lu certains avant de commencer ce bouquin, et que j’ai essayé de ne pas trop entacher ma propre opinion avec. Laissez-moi vous dire que ce n’était pas de la tarte !

Le roman commence avec des réflexions et un style d’écriture qui ne sont pas forcément à la portée de tout le monde. Ça m’a rappelé mes cours de philo du lycée, et c’était pas glorieux, comme truc… cela étant, je suis curieuse et le tout restait assez fluide pour m’inciter à continuer. Renée se présente très rapidement comme une femme que nous allons avoir du mal à cerner, très riche de bien des manières, et avec un recul froid sur le monde qui l’accueille.

Je sais que certains ont pris ce roman comme une prise de haut, quelque part. Je ne l’ai pas tout à fait ressenti ainsi, puisque pour moi, il s’agissait de réflexions poussées de la part de deux âmes qui ne se sentent pas en adéquation avec leur monde. Cela dit, suivant la propre conception que nous avons de cela, il est facile de prendre les deux personnages en grippe pour leurs pensées parfois peu amènes sur les autres, c’est un fait.

Pour autant, je pense qu’on peut véritablement s’attacher à Renée et Paloma, qui ne rentrent dans aucun moule et ne rêvent qu’en fait de véritable rencontre, enfermées dans leur propre peur. Il leur faudra du temps pour le réaliser, cela dit, et leurs réflexions sont intéressantes pour parvenir jusqu’à ce point. Elles ont leurs propres forces et fragilités, et ce sont leurs cassures et leur décalage au monde qui les rend touchantes. L’arrivée d’un voisin inattendu va en plus apporter une émotion agréable pour leur vie et pour les lecteurs que nous sommes !

Au niveau de l’intrigue, le tout prend son temps, avec toutefois un rythme agréable et presque cadencé, puisque les chapitres sont courts. Si les réflexions sont poussées, parfois denses et représentent des apartés difficiles à suivre, ils suivent une trame qu’on comprend mieux au fur et à mesure. De fait, chaque fois qu’un petit pas nouveau et différent est fait, il est vécu par tous comme quelque chose d’incroyable et de grand. La proportion des évènements est un peu différente, et c’est bien joué !

Pour les thèmes abordés, il est évident que cela n’a rien d’évident au départ, justement. Suicide, non-conformité des apparences et problème d’appartenance sociale… le roman aborde de nombreux sujets que l’on traite souvent avec des pincettes. Pour autant, Muriel Barbery semble ne pas en prendre, de pincettes, sans pour autant que cela devienne une guerre déclarée. Elle dit les choses, simplement, comme si elle avait conscience que cela allait faire polémique (ses personnages le mettent suffisamment en avant), mais qu’elle se disait que cela méritait d’être dit pour y réfléchir.

Concernant les valeurs, la rencontre de l’autre est au cœur de ce roman. Il faut du temps pour que des univers différents mais semblables se trouvent et sachent se reconnaître. Parfois, il faut un tiers, un intermédiaire, et la plupart du temps, nous ne savons pas rencontrer les autres parce que nous restons enfermés dans nos idées, ou nous enfermons les autres dans ce que nous savons croire d’eux. J’aime beaucoup cette idée qui ressort, puisque je travaille avec cette optique d’ouverture de cœur et d’esprit, avec un public qui a de quoi nous surprendre tous les jours que Dieu fait. L’amitié possède une place non négligeable, centrale, aussi, dans tout cela. On peut aussi dire que si l’environnement nous façonne, il n’est pas le seul à mettre sa contribution aux êtres que nous sommes et devenons.

En conclusion, si ce roman reste pour moi une belle lecture, il possède de merveilleux messages et une douceur que son titre indique déjà. Avec une plume qui sait manier les sujets philosophiques et nous les retranscrire en essayant de les rendre plus accessible, Muriel Barbery nous présente deux personnages assez exceptionnels qui ont beaucoup à dire, parfois avec du piquant, comme un hérisson. Si on prend du recul, on constate pourtant que les belles choses sont là, vraiment, et que les roses ont des épines pour piquer, et que ce que ces deux êtres présentent comme piquants peut nous faire réfléchir sur le sens de beaucoup de choses. Une vraie réussite pour moi !
Ce sera donc un 17/20 et je le recommande, évidemment !

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