Et si je vous parlais de mon premier (petit) coup de cœur de l’année ?
Il a beau être 21h passées, je me dis qu’avant d’être de nouveau en retard dans
mes chroniques, je peux en profiter.
Seul, et face au
public se déroule dans le même univers qu’Elle s’appelait Cassiopée, roman dont vous pouvez retrouver ma chronique ici. Cette fois-ci, nous suivons Gabriel, l’un des meilleurs amis de
Cassiopée, qui ne va pas être épargné par son suicide. Déjà perdu, Gabriel se
raccroche de toutes ses forces à sa passion, le théâtre. Sa vie lui semble une
errance sans fin, et la douleur s’accentue à la mort de Cassiopée. Comment faire
pour survivre, comment continuer ?
Disons-le tout de suite : comme pour Elle s’appelait Cassiopée, Madeleine
Conraux a choisi d’aborder des thématiques difficiles. Gabriel est un
personnage complexe, très riche, et qui éprouve de grandes souffrances. Son malaise
ne va pas s’arranger en un clin d’œil, et son chemin va être houleux.
J’annonce la couleur : la chronique risque d’être un
peu fouillis, parce que les romans de Madeleine semblent d’une telle densité
que c’est difficile de faire le tri ensuite. N’attendez pas à ce que je fasse
quelque chose de court ! Il y a trop à dire. Ce roman contient beaucoup
trop de choses pour que je parvienne à me taire. D’autant qu’il n’est pas
encore publié ! Je souhaite de tout cœur qu’il finisse par trouver une maison
qui lui offrira un écrin digne de son contenu, mais je sais que ça va être
compliqué.
Bref. J’avais énormément aimé Elle s’appelait Cassiopée. Il m’avait permis de prendre conscience
de l’incroyable maturité de plume et de réflexion de Madeleine Conraux. Ben je
peux vous dire que Seul, et face au
public monte encore un cran au-dessus. Je ne pensais même pas que c’était
possible !
Nous retrouvons Gabriel, un personnage que nous avions
croisé avec Cassiopée. Il était le
petit comique, aux remarques profondes, ce personnage qu’on aime beaucoup,
souvent, en second plan. Personnellement, j’avais beaucoup apprécié sa
présence, et j’ai été ravie de pouvoir plonger dans sa tête, même si je ne m’attendais
pas à ce que j’ai lu. Parce que Gabriel, dans toute sa richesse, sa complexité
d’être humain, vit un véritable calvaire. Sa crise existentielle est très
profonde, et il se demande comment il parviendra à surmonter demain. Il est
loin, le gars superficiel qui ne pense qu’à coucher avec des filles. On est
face à un jeune homme qu’on aimerait soigner, relever, illuminer.
Oui, on aimerait lui accorder nous aussi toute notre
attention, parce que ce personnage est presque vivant. Madeleine a réussi à lui
conférer une densité, un réalisme… une consistance juste hallucinante !
Nous pourrions le croiser dans la rue ! Elle m’avait avoué avoir tout
donné pour lui, avec lui, ben je peux vous dire que ça se ressent. On est avec
lui, ses pensées sont posées sur le papier comme si on était vraiment dans sa
tête, dans son cœur, dans le merdier que sa vie lui paraît être.
Et le summum ? On retrouve Cassiopée. Cassiopée vue
autrement, dont on apprend de nouvelles facettes (j’ai eu de ces chocs, je vous
raconte pas), Cassiopée vivante. Pour
un lecteur qui a déjà fait face à cette fille, qui s’est attaché à elle, c’est
aussi agréable que douloureux. Parce qu’on sait. On sait que ça ne va pas
durer. Mais on en apprend plus, et on vit ça avec d’autres yeux. Et c’est tout
aussi puissant qu’avec Erwan.
Pourtant, on ne s’arrête pas juste à son décès. Nan, nan. On
va plus loin, avec Gabriel, puisque c’est le devenir de Gabriel, qui nous
intéresse, aussi. Et il y a encore beaucoup de choses à voir, pas
jolies-jolies. D’autant que Gabriel n’est pas un personnage qu’on approuve
(loin de là), mais on ne peut pas le juger. C’est comme s’il était devant nous,
là, on peut pas ! Et encore, je crois que ce serait plus facile d’être
indifférent, de poser une étiquette sur quelqu’un en face de nous que sur
Gabriel. Pour vous dire !
Je ne vais pas vous mentir : on sent le malaise tout le
long du roman. J’ai eu des moments où j’avais du mal, certains personnages me
laissaient indifférente ou presque. On sent le malaise, on sent que quelque
chose plane dans l’écriture, dans l’intrigue… mais on veut avancer. C’est comme
si on sentait la lumière qui peut émerger. Et comme je l’ai dit, c’est
tellement dense qu’on est pris dedans. Non pas que ça soit opaque, hein, non. C’est
tellement riche, que chaque détail a son importance. Certains trouveront qu’il
y a des longueurs, mais si vous suivez l’aspect psychologique, vous remarquerez
que pas une scène n’est inutile : tout est essentiel pour comprendre l’évolution
lente, mais présente de ce personnage.
À la fin du roman, après tous ces méandres, ces évolutions
inattendues mais logiques, vous aurez sans doute besoin de sortir vous aérer. Parce
que votre cerveau aura fondu, parce que vous aurez assisté, vous aurez vécu une
sorte de fusion par l’esprit avec un personnage émotionnellement dévasté, dont
la reconstruction incertaine vous aura en quelque sorte pris à part. C’est ça,
que Madeleine Conraux vous propose. Et c’est assez renversant, comme voyage,
clairement.
La plume de notre jeune autrice est encore une fois
magnifique. Elle a de très belles phrases de réflexion, qui semblent à la fois
beaucoup trop poussées pour le registre du lycée, et qui évoquent pourtant des
choses que nous avons tous pensées. C’est un roman sur la vie, encore une fois,
sur ses méandres et ses épreuves. En même temps, Madeleine sait très bien
adapter ses répliques pour atteindre un langage plus commun. La dynamique du
roman vient aussi de cette maturité de plume que l’on trouve rarement dans les
premiers romans, ou dans les romans contemporains tout court. Je l’admire
beaucoup pour ça, parce qu’elle sait développer la pensée de ses personnages de
façon incroyable, et qu’elle a su, ici, mettre en valeur l’aspect du théâtre d’une
façon assez unique.
Au niveau des valeurs, l’amour reste présent. Le suicide de
Cassiopée est une épreuve innommable, et l’amour permet d’avancer. Même si
Gabriel peine avec ce concept et qu’il luttera beaucoup dans ses relations personnelles,
l’amour et l’amitié ont toujours une place importante dans sa vie, et c’est ce
qui le relèvera. La quête de soi est aussi importante. Savoir se trouver, s’accepter
et faire face aux épreuves n’est pas chose facile. En fait, je pourrais vous
trouver tellement de messages qui sont forts, dans ce roman. Gabriel porte une
croix énorme, et sur son chemin, il nous permet de prendre conscience de
beaucoup de choses. En plongeant aussi profondément dans l’histoire de ses
personnages, je dirai juste que Madeleine Conraux nous fait prendre conscience
qu’en chaque être humain se cache un prisme aux multiples éclats, que nous ne
pouvons jamais voir entièrement. Et de ce fait, nous ne pouvons pas et ne devons
pas les juger. Nous serions de toute façon dans l’erreur… et je trouve ça
extrêmement puissant, comme message.
Je pourrais dire encore un million de trucs, puisque c’est
un petit coup de cœur, et que le roman est super dense. Mais je vais finir par
écrire un roman sur le roman, et c’est pas le but. J’ai tellement aimé
retrouver cette bande de personnages, y compris Cassiopée, que nous découvrons
sous un nouveau jour. Sa perte est toujours aussi douloureuse, mais j’ai été
heureuse de la revoir, d’une certaine façon (preuve en est qu’on s’attache
aussi aux héros de fiction). Plonger dans l’histoire de Gabriel a été tortueux,
difficile, mais ô combien riche et appréciable, en fin de compte. J’étais retournée,
j’étais admirative, j’étais plein de choses, à la fin. Le malaise est présent,
mais tout est tellement fort, que d’autres comprendront tout ce que j’ai écrit
ici. C’est fort, c’est puissant, c’est incroyable. Je pourrais croiser Gabriel
dans la rue ! La plume de Madeleine a encore mûri, et les messages qu’elle
nous fait passer dans son histoire sont puissants, eux aussi. Et il y aurait
encore tant à dire. Mais je m’arrête ici. Ce sera un 20/20 pur moi, un petit coup de coeur, et merci, Madeleine ! Merci. C’était dur, j’étais
pas si bien à la fin, mais bon sang, je suis loin de regretter. Merci de ta
confiance, merci ! Puisses-tu aller loin !
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