"Je m'appelle
Renée, j'ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle,
un immeuble bourgeois.
Je suis veuve, petite,
laide, grassouillette, j'ai des oignons aux pieds et, à en croire certains
matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si
conforme à l'image que l'on se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée
de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.
Je m'appelle Paloma,
j'ai douze ans, j'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches.
Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai."
Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai."
J’avais entendu beaucoup de bien à propos de ce roman, et
lorsque j’ai pu le repêcher pour lui éviter un passage dans une déchetterie, je
n’ai pas franchement hésité !
L’élégance du hérisson
parle de Renée, une concierge qui est beaucoup plus qu’elle ne le paraît en
réalité : elle est incroyablement cultivée, mais fait tout pour le cacher.
Paloma, elle, est une jeune fille qui passe son temps à cacher son
intelligence, et qui se désole du monde qui l’entoure. Elle a donc décidé de se
suicider pour ses 13 ans.
Et ces deux êtres incroyables habitent le même immeuble…
parviendront-elles à se rencontrer ?
Il est vrai qu’il est parfois difficile de ne pas se laisser
influencer par les commentaires que l’on peut avoir sur un livre. J’avoue aussi
que j’en avais lu certains avant de commencer ce bouquin, et que j’ai essayé de
ne pas trop entacher ma propre opinion avec. Laissez-moi vous dire que ce n’était
pas de la tarte !
Le roman commence avec des réflexions et un style d’écriture
qui ne sont pas forcément à la portée de tout le monde. Ça m’a rappelé mes
cours de philo du lycée, et c’était pas glorieux, comme truc… cela étant, je
suis curieuse et le tout restait assez fluide pour m’inciter à continuer. Renée
se présente très rapidement comme une femme que nous allons avoir du mal à
cerner, très riche de bien des manières, et avec un recul froid sur le monde
qui l’accueille.
Je sais que certains ont pris ce roman comme une prise de
haut, quelque part. Je ne l’ai pas tout à fait ressenti ainsi, puisque pour
moi, il s’agissait de réflexions poussées de la part de deux âmes qui ne se
sentent pas en adéquation avec leur monde. Cela dit, suivant la propre
conception que nous avons de cela, il est facile de prendre les deux
personnages en grippe pour leurs pensées parfois peu amènes sur les autres, c’est
un fait.
Pour autant, je pense qu’on peut véritablement s’attacher à
Renée et Paloma, qui ne rentrent dans aucun moule et ne rêvent qu’en fait de
véritable rencontre, enfermées dans leur propre peur. Il leur faudra du temps
pour le réaliser, cela dit, et leurs réflexions sont intéressantes pour
parvenir jusqu’à ce point. Elles ont leurs propres forces et fragilités, et ce
sont leurs cassures et leur décalage au monde qui les rend touchantes. L’arrivée
d’un voisin inattendu va en plus apporter une émotion agréable pour leur vie et
pour les lecteurs que nous sommes !
Au niveau de l’intrigue, le tout prend son temps, avec
toutefois un rythme agréable et presque cadencé, puisque les chapitres sont
courts. Si les réflexions sont poussées, parfois denses et représentent des
apartés difficiles à suivre, ils suivent une trame qu’on comprend mieux au fur
et à mesure. De fait, chaque fois qu’un petit pas nouveau et différent est
fait, il est vécu par tous comme quelque chose d’incroyable et de grand. La proportion
des évènements est un peu différente, et c’est bien joué !
Pour les thèmes abordés, il est évident que cela n’a rien d’évident
au départ, justement. Suicide, non-conformité des apparences et problème d’appartenance
sociale… le roman aborde de nombreux sujets que l’on traite souvent avec des
pincettes. Pour autant, Muriel Barbery semble ne pas en prendre, de pincettes,
sans pour autant que cela devienne une guerre déclarée. Elle dit les choses,
simplement, comme si elle avait conscience que cela allait faire polémique (ses
personnages le mettent suffisamment en avant), mais qu’elle se disait que cela
méritait d’être dit pour y réfléchir.
Concernant les valeurs, la rencontre de l’autre est au cœur de
ce roman. Il faut du temps pour que des univers différents mais semblables se
trouvent et sachent se reconnaître. Parfois, il faut un tiers, un
intermédiaire, et la plupart du temps, nous ne savons pas rencontrer les autres
parce que nous restons enfermés dans nos idées, ou nous enfermons les autres
dans ce que nous savons croire d’eux. J’aime beaucoup cette idée qui ressort,
puisque je travaille avec cette optique d’ouverture de cœur et d’esprit, avec
un public qui a de quoi nous surprendre tous les jours que Dieu fait. L’amitié
possède une place non négligeable, centrale, aussi, dans tout cela. On peut
aussi dire que si l’environnement nous façonne, il n’est pas le seul à mettre
sa contribution aux êtres que nous sommes et devenons.
En conclusion, si ce roman reste pour moi une belle lecture,
il possède de merveilleux messages et une douceur que son titre indique déjà. Avec
une plume qui sait manier les sujets philosophiques et nous les retranscrire en
essayant de les rendre plus accessible, Muriel Barbery nous présente deux
personnages assez exceptionnels qui ont beaucoup à dire, parfois avec du
piquant, comme un hérisson. Si on prend du recul, on constate pourtant que les
belles choses sont là, vraiment, et que les roses ont des épines pour piquer,
et que ce que ces deux êtres présentent comme piquants peut nous faire
réfléchir sur le sens de beaucoup de choses. Une vraie réussite pour moi !
Ce sera donc un 17/20
et je le recommande, évidemment !
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