Anne vit à Bruges au
temps de la Renaissance, Hanna dans la Vienne impériale de Sigmund Freud, Anny
à Hollywood de nos jours. Toutes les trois se sentent différentes de leurs
contemporaines ; refusant le rôle que leur imposent les hommes, elles cherchent
à se rendre maîtresses de leur destin. Trois époques. Trois femmes : et si
c'était la même ?
Ça faisait un bon moment que je souhaitais lire un roman d’Eric-Emmanuel
Schmitt, puisque j’avais eu l’occasion de le lire un petit peu dans un des
recueils de nouvelles des Restos du Cœur. Cette première expérience a juste été
extra !
La femme au miroir
jongle entre trois femmes qui existent à différentes époques : Anne à la
Renaissance, Hanna au début du vingtième siècle et Anny de nos jours. Chacune mène
une vie qui ne lui convient pas, jouant un rôle, se cherchant et essayant de
parvenir à trouver sa voie parmi les nombreuses voix qui les entourent. Et si
elles n’étaient pas comme les autres ? Et si elles étaient liées ?
J’avoue avoir été très vite prise dans l’histoire et avoir
apprécié de suivre les trois femmes, sans préférence, même si la vie d’Anny
était beaucoup plus… choquante, je crois. Elle part beaucoup plus dans les
excès, sauf qu’on voit très rapidement que c’est une fuite, et par conséquent,
on analyse plus qu’on ne critique. Non, vraiment, c’est rare, mais j’ai
franchement aimé suivre ces trois femmes (ou la même, mais à différentes
époques ?) et contempler leur chemin, les virages et les prises de conscience
qui les ont jalonnées.
Ce roman est une véritable plongée dans des époques
totalement différentes, possédant un cadre culturel ou historique particulier. Je
suis fascinée par le contexte historique qui émane du côté d’Anne et Hanna,
puisque je ne connaissais pas trop ces temps, et que j’ai beaucoup aimé
découvrir les mœurs de l’époque. La montée de la pensée freudienne, la
condition de la femme, la pression qui est exercée sur elle surtout pour avoir
des enfants… incroyable ! Concernant Hanna, j’avais deviné ce qui lui
arriverait, mais j’ai été transportée par sa manière de voir les choses et ses
critiques sur l’Eglise, qui à l’époque serrait très fortement la vis et
abordait ouvertement l’hérésie. Quant à Anny, j’ai pu voir le contexte du
cinéma, de la pression médiatique, du manque de proximité ainsi que des dangers
que les stars encourent avec tout ceci. Fascinant, vous dis-je !
Le lecteur évolue donc dans des univers incroyablement
différents, dans lesquels il se retrouve cependant avec beaucoup de facilité,
puisque les questionnements existentiels des trois femmes semblent se
rejoindre. Anne est sans conteste celle qui était la plus en paix avec
elle-même, bien qu’à son époque, avoir une pensée aussi libre soit difficile. L’auteur
a vraiment réussi à créer un personnage élevé. Hanna, quant à elle, possède une
certaine liberté, mais on sent qu’elle s’est enchainée et qu’elle se débat avec
ses liens. C’est assez impressionnant aussi ! Enfin, Anny, qui est la plus
perdue, la plus exacerbée, peut-être, est tellement ligotée qu’elle ne se
retrouve que lorsqu’elle joue, et qu’elle incarne quelque chose.
Pour tout vous dire, je ne fais que parler des personnages,
sauf qu’elles m’ont vraiment marquée. Même après une semaine, je peux tout à
fait les invoquer dans mon esprit, et je pense que c’est une grande force de ce
roman : les héroïnes, qui sont peut-être la même personne dans différents
endroits et époques, mais qui possèdent plusieurs points communs, qui vont d’ailleurs
les réunir de façon très intéressante. Chacune a un message à véhiculer,
chacune peut plus ou moins nous toucher…
Des personnalités fortes, des réflexions sur les valeurs,
sur la conduite à tenir, et ce dans différents styles ! Là, il ne faut pas
se leurrer, la plume d’Eric-Emmanuel Schmitt y est pour beaucoup : il sait
jongler entre plusieurs genres, impulser une douceur et une sérénité
incroyables à son récit, malgré les moments terribles qui peuvent survenir !
Il m’a semblé qu’il savait tout exprimer avec justesse, même quand nous ne
sommes pas d’accord avec l’une des trois. Les descriptions étaient aussi très
belles, et je m’y suis cru plusieurs fois, vraiment !
Que dire de plus ? Les thèmes abordés sont réellement
intéressants et recouvrent tellement de domaines que je ne peux les énumérer
ici. On a tantôt l’impression d’évoluer dans une fable avec Anne, qui nous
ramène pourtant à des sujets très réalistes et douloureux, ou attendrissants,
par exemple, ou dans un récit si proche qu’on s’y croirait. Il y a une
proximité qui rend tout plus fort, et nous concerne véritablement, malgré une
narration soit épistolaire, soit d’un point de vue externe. Les interrogations
de chacune sont poignantes et très justes. Qui ne se les serait pas déjà posées ?
Le seul point que je tiens à préciser, même s’il ne tient
nullement en une déception ou un point négatif, c’est que le mystère persiste
par rapport au lien véritable des trois femmes. C’est au lecteur de faire ses
propres conclusions, et j’avoue que là aussi, c’est plutôt pas mal comme
concept, puisque ce n’est pas une fin ouverte mais un non-dit que nous
partageons tous plus ou moins !
Enfin bref, comme je tourne en rond, je vais conclure. Ma
toute première lecture d’Eric-Emmanuel Schmitt est un vrai succès : je
suis fascinée de ce que j’ai trouvé ! Les trois femmes qui nous sont
présentées ont chacune des particularités et évoluent dans des univers
royalement différents, bien qu’elles soient liées de façon assez déroutante. Les
questionnements qu’elles présentent, dans des contextes qui n’ont rien à voir
entre eux, résonnent et nous font vibrer à l’unisson avec elles, grâce à la
plume stupéfiante de l’auteur, impulsant une douceur et une sérénité peu
communes. Le roman se lit assez vite, surtout bien, et on en ressort apaisé,
content d’avoir évolué auprès d’Anne, Hanna et Anny, qui ont leurs parcours,
leurs souhaits, et qui malgré tout nous semblent très proches de bien des
façons, avec des valeurs qui m’ont beaucoup plu !
Ce sera donc un 19/20
pour moi et j’espère pouvoir découvrir d’autres romans de cet auteur assez
rapidement !
J'avais déjà vue cette couverture mais pour un autre roman :-o sinon il a l'air top
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